Facebook, lunette sur la réaction étudiante
Posted: avril 23rd, 2018 | Author: muirne | Filed under: Veille, Web | Tags: étudiants, facebook | Commentaires fermés sur Facebook, lunette sur la réaction étudianteSnapshot de l’étudiosphère montpellieraine et réactions autour des évènements à la faculté de droit.
Facebook est un bon moyen de se rendre compte qu’en fait ces personnes que tu croyais connaître sont au mieux confus/es, au moins irréfléchi/es, au pire sciemment opposé/es à toute progression sociale.
Pendant la mobilisation étudiante et le blocage des facs, une bonne partie de la jeunesse étudiante reste ancrée dans la mobilisation de shitposts et le blocage des esprits.
Attention contenu : Les commentaires (screenshottés du groupe « Etudiants de Montpellier ») furent écrits pour provoquer et se moquer. Il y a aussi une photo ensanglantée.
Le blocus
Pourquoi y bloquent déjà ? Ah oui DroitDu34NoScope (nom d’emprunt) va nous expliquer :
Bienvenue chez le domaine des usines à gaz intellectuelles (attention on tape dans les 80 likes…).
Ça t’as énervé/e de lire ça ? C’est le but. C’est “U mad ?”, « t’es en colère donc t’es ridicule et t’as tort », et le but d’une interaction devient de montrer que l’autre est « enragé/e » alors que soi est drôle et rationnel/le.
Imaginez donc un débat avec une telle lumière. Ah, attendez ils vont nous l’expliquer aussi :
On pourra également citer un classique « sondage » à questions tendancieuses :
Et de toute façon, la meilleure personne pour vous conseiller d’approuver ou non la loi Vidal est… Mme Vidal ! Si elle l’a écrite, elle doit bien être impartiale :
Cela fait, entamons les statuts de fantasy :
Donc les gens ne seront en effet pas sélectionnés « au mérite » comme vous disiez, mais plutôt car iels sont nés riches sorcièr/es ?
« Ça donne surtout envie de devenir fasciste, en fait »
C’est bien une affaire de moldu/es « teufeurs fumeurs de joints en sarouels qui jouent du tam-tam » :
(Parce-que se laisser filmer à son insu est le B-A-BA du pacifisme.)
Et aucune discussion politisée-à-1% sur internet ne serait complète sans le segment de connerie se promenant entre le point « c’est vous les vrais fachos » et le point « les fachos ont pas si tort que ça » (en passant par la “horseshoe theory”, sans doute) :
Le commentaire est en apparence une tentative de dérision (indice : smiley), mais on s’imagine qu’en fait un gars qui va taper un truc du genre « anti = fachos » est pas entièrement serein derrière son écran.
Le gros de ce qui est pensé peut être résumé par ce statut :
C’est-à-dire :
- « C’est des feignaaants.
- Ils veulent couler mes exams. (*une veine éclate dans son front*)
- Ils “dégradent l’image du diplôme aux yeux des futurs employeurs…” (zzz)
- Ils cassent.
C’est des agitateurs professionnels.Ils sont au chomâge.C’est des agitateurs professionnels.- Ils cassent, t’as pas vu ?
- Ils s’habillent tous en sarouels.
- C dé profiteur.
- Ils sont pas nés sorciers. »
Petit/es profiteur/es
Suivons le fil conducteur :
Paresse → bourse → cannabis → véganisme : CQFD ! C’est une pente savonneuse, l’étape suivante est sûrement le cannibalisme.
Pour la détente (ou pas) regardons encore un statut Harry Potter, peignant les braves étudiant/es bosseur/es en victimes héroïques des méchant/es bloqueur/es et profiteur/es du système :
C’est, ironiquement, une critique d’ordre purement émotionnel. Et uniquement dirigée vers un certain type de « profiteur/es »…
Grand/es profiteur/es
Les grandes fortunes et groupes industriels coûtent énormément simplement parce-qu’ils existent et accaparent les richesses. Même si ce ne sont qu’un symptôme d’un problème plus profond.[1]
Quand on sait que huits milliardaires détiennent autant de richesses que la moitié de la population la plus démunie de la planète (Rapport Oxfam), on se demande si ces huits gars…
…bossent aussi dur que près de 500 millions de gens chacun ?
Et bah oui. Et comme ils ont bossé pour leur fric, tant mieux pour eux s’ils le cachent aux Bermudes (processus mental du winner) :
Travailleurs purs et durs
Mais voici deux braves commentateurs sociaux qui sont eux-mêmes de véritables Stakhanovs :
Et ne feront jamais grève car ils sont trop « responsables » (de leur gueule) pour ça :
Résumé
On peut résumer toute la merde qui vient d’être dite en un petit fil :
Et puis ça devient violent
Dans la nuit du 22 au 23 mars, des étudiants occupant un amphi de la fac de droit à Montpellier furent poursuivis et frappés par des hommes cagoulés et armés de planches. Le doyen (Pétel), qui aurait fait entrer la milice, et un professeur, qui en aurait fait partie, furent mis en cause…
Bien sûr, la réaction (jeu de mots) d’une bonne partie des étudiant/es donne autant de rêve qu’un milliardaire :
Il manque juste trois smileys ???????????? en plus et ce serait parfait (ou pas).
Mais cette (enfin ?) commentatrice a une analyse encore plus fine :
*Applaudissements.*
Si les miliciens étaient vraiment tombés sur des black blocs de manifs anti-flics, ils se seraient sûrement faits salement téjs…
Mais les victimes ici n’étaient pas en black bloc, et apparemment pas pour l’abolition instantanée-cette-seconde de la police, et s’ils l’étaient ce serait une piètre raison de se permettre de les tabasser.
Puis t’as le mec qui aurait voulu être un peu plus près et un peu plus cagoulé :
Tout ça réveille des pulsions que le jeune droitien sera forcé de traduire en mèmes.
Terre du Milieu de Montpellier
À ce stade on constate sans surprise des images assimilant la milice improvisée aux cavaliers du Rohan (ou aux soldats du Gondor), menant une dernière charge vaillante contre une horde d’orcs immondes qui souhaitent détruire leurs civilisations et bouffer leurs enfants. C’est presque aussi émouvant que “La Charge de la brigade légère” de Tennyson !
Ou peut-être que voyant ces images on commence à être convaincu qu’en fait Sauron était le gentil dans l’histoire (si si ?).
Pendant ce temps, iels montent une riposte anti-blocage avec un peu moins de cottes de mailles et un peu plus de hashtags repris de l’Action Française :
Et sont renforcé/es par des identitaires.
En tous cas, Pétel « restera dans les mémoires » :
[1] Parler du problème de fond qu’est le capitalisme en soi est un sûr moyen de mettre un (bienvenu) terme à une telle discussion. Les personnes à tendance anticapitaliste se retrouvent acculées à critiquer les portions les plus caricaturales d’un système car ce sont les seules qui peuvent paraître obscènes et indéfendables à l’individu installé à peu près confortablement dans le système en question. À force de faire des concessions pour être entendu/e on finit par ne plus dire ce qu’on pense, et par brouiller les lignes. On répand chez certain/es l’idée que le capitalisme peut être réinventé, épuré de ses « défauts », et chez d’autres le message ne passe de toute façon même pas du tout.
Par exemple, on en vient à critiquer une fraude fiscale en particulier, quand tout le set-up économique est une énorme fraude en soi. On en vient à défendre les bénéfices pragmatiques que tire l’État d’éduquer « sa » jeunesse, à dire que de toute façon ça ne pèse pas lourd dans le budget (de l’ordre de 1% du déficit budgétaire, et à peine 2% du montant des fraudes fiscales) ; alors que l’accès à une éducation ne devrait même pas avoir besoin d’une telle défense.